Théorie sur le musical

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Introduction au musical

La notion de genre

Selon le média

  • Le genre est très défini en littérature.
  • Le genre cinématographique se définit plutôt par la forme et l'atmosphère. Les variations dans le genre sont surtout sur le fond.

Selon le public

  • Le film de genre oscille entre l'habitude et la surprise.
    • La critique le traite par rapport à des films connus du même genre.
    • Le spectateur cherche la surprise dans le balisage du genre (un double horizon d'attente). L'hybridation de plusieurs genres fonctionne donc bien au cinéma.

Selon le pays

  • En France : les films d'auteur sont plus reconnus par la critique que les films grand public (souvent des films de genre).
  • Dans les pays anglo-saxons :
    • Valeur patrimoniale du cinéma grand public reconnue.
    • Dynamisme des recherches universitaires sur ce cinéma.

Le cinéma parlant

  • Techniquement possible dès 1923, mais un accord corporatiste planifie un passage au parlant en cas de ralentissement de l'industrie cinématographique.
  • 1927 : la WARNER, en position financière difficile, casse cet accord.

Origine

Musical
Genre affilié au mélodrame (du grec melos, "chant").
Il peut s'agir d'un drame ou une comédie.
  • Aux États-Unis, il existe une tradition du spectacle musical dans les écoles.
  • Le cinéma muet a été très tôt musical. Le premier film parlant (The Jazz Singer d'Alan Crosland (USA, 1927)) est d'ailleurs un musical[1].

Évolution

Le musical est « un genre fait de moments » (C. Viviani) :

  • à l'intérieur du film ;
  • Dans l'histoire du cinéma (difficulté de succéder aux grands interprètes et metteurs en scène).

La production d'un film musical suit la même recette que celle d'un spectacle :

  • la dimension auteuriste vaut moins que la réussite collective : à l'instar du spectacle dans les musicals de coulisses, la réussite du film repose sur une cohésion d'ensemble ;
  • l'originalité vaut moins que l'efficacité.

Le succès d'un spectacle musical peut justifier son adaptation au cinéma. Aujourd'hui, la tendance est d'adapter sur scène des films musicaux.

Éléments constituants

La voix est un élément essentiel. La danse demeure un complément.

Les fondements

The Black Crook (USA, 1866)
Livret de Charles M. Barras, et musique de Thomas Baker.
Show conçu par le producteur de Broadway William Wheatley.
Mélange de pièce à machines avec des séquences chantées et dansées.
Naissance du spectacle musical à l'américaine.
Influence de Jacques Offenbach (France, 1819-1880). La Vie parisienne (1866) comme modèle.
La Veuve joyeuse de Franz Lehár (Autriche, 1905)
Première représentation aux USA en 1910.

Ces spectacles jettent les bases du choix d'interprètes dans le film musical :

  • Personnage féminin :
    • performance vocale ;
    • maîtrise et discipline.
  • Personnage masculin :
    • usage courant du parlé/chanté ;
    • prestance et qualité physique ;
    • sensualité, inattendu.

Il existe pourtant des exceptions à ces modèles :

Maytime de Robert Z. Leonard (USA, 1937), avec Nelson Eddy et Jeanette MacDonald.
Les deux interprètes ont le même niveau vocal.
Film proche de l'opérette. Mise en scène plus plate.
The Pirate de Vincente Minnelli (USA, 1948).
Production : Arthur Freed. Chansons : Cole Porter.
Avec Judy Garland (qui n'est pas chanteuse d'opérette mais possède une voix puissante) et Gene Kelly (pour qui une partition est spécialement écrite, car il n'est pas chanteur).
Cover Girl de Charles Vidor (USA, 1944).
Chansons de Jerome Kern et Ira Gershwin (1896-1983).
Avec Gene Kelly et Rita Hayworth.
Hayworth a une formation de danseuse. Elle a aussi la voix doublée par une voix « conventionnelle » qui compense la sensualité de l'actrice.
Récupération de la chanson Two-Faced Woman.
Coupée d'un numéro chanté (en doublage) par Cyd Charisse dans The Band Wagon de Vincente Minnelli (USA, 1953).
Reprise (en doublage) par Joan Crawford dans Torch Song de Charles Walters (USA, 1953)
Comparaison des deux versions.

Ainsi, le musical repose souvent sur le play-back. Cela :

  1. maintient une bonne qualité sonore ;
  2. facilite la mobilité des personnages ;
  3. participe au caractère fantasmatique des scènes.

Les musiciens et compositeurs

  • Généralement issus de la classe moyenne juive ;
  • Sensibilité mitteleuropéenne mêlée à l'influence du jazz ;
  • Ex : Irving Berling…

Importance donnée à la chanson (et au chorus) :

  • elle est un outil de promotion auprès des producteurs ;
  • elle doit marquer le public. Il faut écrire un air « hummable » (qu'on peut chantonner facilement).
    • Une base au spectacle.
    • Une mémoire du spectacle.

Classification du musical étasunien[2]

Le backstage musical (musical de coulisses)

Un musical sur le musical.

Principe esthétique

Un mélange de forme intégrée (classicisme) et de forme fragmentée (modernité).

  • La fragmentation est d'autant plus violente que la forme est classique.
  • La forme intégrée domine avec Fred Astaire :
    • technicité ;
    • fluidité.

Principe scénaristique

Le scénario justifie les passages :

  • du marcher au danser ;
  • du parler au chanter.

Engagement politique, culture de l'effort

  • Les personnages veulent monter un spectacle, le mener au triomphe.
  • La réussite du spectacle vaut plus que les individualités.
  • Le metteur en scène finit abandonné, et la troupe poursuit son existence.

Les backstage musical sont souvent tournés à la Warner (politiquement proche du président Franklin D. Roosevelt).

Le musical folklorique

Acculturation : les séquences sont liées aux habitudes d'une communauté, d'un pays.

  • Nostalgie, époque révolue.
  • Quotidien, saisons… rythmés par des séquences musicales.

Projection : The Harvey Girls de George Sidney (USA, 1946).
Produit par Arthur Freed et inspiré de Harvey House, chaîne de restaurants de viande de la fin du XIXe siècle (dévelopée avec la voie ferrée).

Scène de l'arrivée des girls :

  • Un phénomène de contagion du chant et de la danse.
  • Une succession d'évènements provoquant cette contagion :
    1. l'arrivée du train,
    2. l'arrivée des girls,
    3. le départ du train.

Le musical féérique

  • Fantasme et psychologie.
  • Cadre imaginaire. Les films se passent souvent à Paris, « ville de la métamorphose » (C. Viviani).

Projection : Funny Face de Stanley Donen (USA, 1957).

  • Tourné à Paris en décors naturels.
  • On assiste à la métamorphose des protagonistes :
  • féminité révèlée du personnage d'Audrey Hepburn ;
  • profondeur révèlée du personnage de Fred Astaire.

Projection : Hair de Miloš Forman (USA, 1979).
Adapté d'un spectacle musical de James Rado, Gerome Ragni et Galt MacDermot (1967).

  • Tourné dans Central Park.
  • Chorégraphie réadaptée pour l'écran :
    • évidence et fluidité ;
    • reprise des mouvements naturels, des gestes du quotidien.

L'hybridation du musical avec d'autres formes génériques

Une esthétique de la rupture :

  • rupture de ton ;
  • surprise du spectateur.

Un jeu sur la mémoire :

  • phénomène d'interférences ;
  • références véhiculées par la musique. C'est « un cinéma citationnel par principe » (C. Viviani).

Projection : Huit femmes de François Ozon (France, 2002).
Adapté d'une pièce de théâtre de Robert Thomas (1958).

  • Interludes musicaux notoires chez Ozon.
  • Le film opère (selon les spectateurs) :
    • par la mémoire des chansons ;
    • par la mémoire des actrices.

Fusion avec le mélodrame

Le terme italien melodrama signifie « opéra » (un récit chanté).

L'approche mélodramatique est courante. En effet, « les acteurs et réalisateurs de musical sont des névrosés notoires. » (C. Viviani). Ex: Show Boat de James Whale (USA, 1936), Alexander's ragtime band d'Henry King (USA, 1938)…

Projection : A star is born de George Cukor (USA, 1954).

  • Judy Garland à contre-emploi :
    • proximité avec sa persona (mal-être, fragilité) ;
    • Montées d'émotion filmées en plan-séquence.
  • Toutes les séquences musicales sont intégrées dans des situations.

Fusion avec le film biographique

Exemples :

  • Love me or leave me de Charles Vidor (USA, 1955), sur Ruth Etting ;
  • Yankee doodle dandy de Michael Curtiz (USA, 1942), sur George M. Cohan ;
  • Night and day de Michael Curtiz (USA, 1946), sur Cole Porter ;
  • Deep in my heart de Stanley Donen (USA, 1954), sur l'origine mitteleuropéenne du musical aux USA. José Ferrer interprète Sigmund Romberg avec technicité et versatilité)…

Audaces formelles post-classiques

Vers le milieu des années 50, le film musical classique décline. C'est le temps des expérimentations pour relancer l'attrait du genre.

La mise en scène innove alors :

  • dans les dispositifs scéniques,
  • dans les façons de danser.

Cette stylisation et cette technicité poussées à leurs maximums font naître de nombreuses œuvres radicales, des « cas limites » (C. Viviani).

Exemples :

  • Jupiter's darling de George Sidney (USA, 1955), avec Esther Williams (championne de natation à la fin des années 30) : des scènes de danse tout en nageant.
  • Sonja Henie, championne olympique de patinage artistique, est une actrice contemporaine d'Esther Williams. Elle a tourné dans des musicaux où elle patine.
  • Small town girl de Lázló Kardos (USA, 1953) : une séquence musicale interprétée tout en sautant (par Bobby Van).
  • The Gang's all here (Banana Split) de Busby Berkeley (USA, 1943), avec Carmen Miranda : confusion complète entre les milieux (Est-ce une scène ? Un décor réaliste ?)

Notes

  1. Voir Histoire du musical.
  2. Classification par Rick Altman.