Analyses pratiques de l'acteur

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Le jeu d'acteur chez D. W. Griffith

La place de la mise en scène

  • L'organisation de l'espace permet à l'acteur de ne pas surjouer (une évolution rapide dans le cinéma primitif).
  • D'abord accessoire de théâtre, le décor devient la limitation du cadre.

Le montage

Le montage de Griffith suit un motif ternaire :

  1. plan général ;
  2. plan moyen ;
  3. gros plan.

Or, le cinéaste tourne et monte d'abord les plans généraux et moyens, puis tourne et monte des gros plans. Cela génère :

  • des ruptures rythmiques dues aux gros plans. Ces ruptures seront corrigées dans le cinéma classique par la fluidité diégétique.
  • de la profondeur de champ. Cette profondeur disparaîtra dans le classique hollywoodien au profit du gros plan iconique (platitude, flou) qui transforme finalement le reste du film (flou général, plans moyens).

Lilian Gish chez Griffith

  • Au début de leur collaboration : le fait explique l'expression en gros plan.
  • À la fin : le gros plan fait comprendre le fait (confiance en l'actrice).

Projection : Orphans of the Storm (1921), avec Lilian et Dorothy Gish.

  • Un micro-jeu lors des gros plans (un jeu foncièrement cinématographique, et non plus théâtral).
  • Dans l'ensemble, un mélange du registre théâtral et ornemental (le registre du crédible passe au second plan).
  • De la lumière est placée derrière Lilian Gish (aura renforcée de l'actrice).
  • La main très souvent utilisée pour souligner certains effets :
    • rôle purement esthétique ;
    • substitution à la parole : « le geste éloquent, signifiant » (C. Viviani).

Lon Chaney

C'est « le prototype de l'acteur-auteur » (C. Viviani).

Projection : The Penalty de Wallace Worsley (USA, 1921).

  • Formation delsartienne.
  • Somatisation (le corps, miroir de l'âme).
  • Influence de la peinture sacrée : pietà, statuaires d'esclaves (Michel-Ange)…
  • Le gros plan devient l'espace privilégié à l'expression de l'acteur.
  • La prolongation du gros plan permet à Chaney de travailler sur l'intériorité du personnage (une confidence au spectateur).

Jouer avec l'émotion

Projection : Stella Dallas de King Vidor (USA, 1937), avec Barbara Stanwyck[1].

  • Mélodrame maternel.
  • Conservation de la dichotomie gros plan / action.
  • La mise en scène comme soulignement de la scène finale :
    • la musique,
    • le mouchoir :
      • un objet de transition ;
      • Un usage qui évolue dans la scène ;
      • Un « véhicule d'émotion » (C. Viviani).

La créature cinématographique dans le néo-réalisme

Les fondements

Voir les écrits d'André Bazin.

Origine

  • De nombreux courants réalistes gagnent les arts : naturalisme (en France à la fin du XIXe siècle), l'ashcan school (aux USA au début du XXe siècle).
  • Fregoligraphe (ancêtre du cinéma italien, nom originaire de Leopoldo Fregoli) : le transformisme devient déterminant sur l'acteur italien.

Projection : La prise de Rome de Filoteo Albertini (Italie, 1905).

  • Naissance du cinéma italien.
  • Film sur l'entrée des troupes de Garibaldi dans Rome.
  • Tourné sur les lieux historiques, décors naturels.
  • Mélange de tendances formalistes :
    • à faire vrai (réalisme) ;
    • à la fresque historique (imagerie).

Ces deux tendances vont stigmatiser la cinématographie italienne. Le film italien s'exporte alors très bien, et le réalisme cinématographique devient typiquement italien.

Le décor

L'approche du décor change également : on passe du décor de théâtre (plat) à la profondeur et au volume. Ce changement a un poids considérable sur la grammaire cinématographique.

Projection : Assunta Spina de Gustavo Serena (Italie, 1915), avec Francesca Bertini.

  • Adaptation d'une pièce réaliste.
  • Tourné dans les rues de Naples.

Sous le fascisme (1940-1943)

Le fascisme va écarter le réalisme. C'est la vague des films de « téléphones blancs » :

  • le réalisme est toujours présent mais l'esthétisme raffiné domine ;
  • les tournages se font souvent en Hongrie (divorce autorisé, donc mobilité dramatique facilitée).

La revue Cinema

C'est une revue dirigée par Vittorio Mussolini (le fils du Duce), mais transgressive.

Mario Camerini (1895-1981)

  • Films réalistes où les gens travaillent.
  • Un succès populaire qui échappe à la censure.

Les Caligraphes

Courant du cinéma italien de l'époque :

  • raffinement de l'image ;
  • classicisme littéraire ;
  • métaphores scénariques contestataires :
    • conflits de génération ;
    • enfermement des personnages.

La naissance du néo-réalisme

Ossessione et Roma, Città Apperta : « Le yin et le yang du néoréalisme » (C. Vivani).

Projection : Ossessione de Luchino Visconti (Italie, 1943).

  • Tournage rendu possible par la réputation de la famille Visconti di Modrone.
  • Diffusé en France seulement en 1961, et peu diffusé en Italie.
  • Acteurs en début de carrière, donc pas de persona affirmée.
  • Détails vestimentaires et gestuels nouveaux :
    • gestes naturalistes ;
    • transpiration, érotisme ;
    • sensualité ;
    • position statuaire.

Projection : Roma, Città Aperta de Roberto Rossellini (Italie, 1945).

  • Des contingences techniques de production (post-synchronisation, donc acteurs composites).
  • Un résultat en lien avec l'arte povera.
  • Liberté pour les acteurs (créativité).
  • Conservation/monstration de leur tradition technique (héritage comique…).

Vittorio De Sica

Vittorio De Sica
Italie, 1901-1974
Héritage de la commedia dell'arte (comique, hyperbole).
Il fait principalement appel à des acteurs amateurs. Il mêle la réalité du geste à l'intensité du jeu d'acteur, le crédible au dramatique (un contraste qui intensifie l'un et l'autre).

Projection : Sciuscià (Italie, 1946).

  • Scénario réaliste, drame cru.
  • Tourné en studio.
  • Focalisation sur les personnages principaux par leur jeu, et non par l'image (personnages secondaires = jeu peu intense).
  • La musique comme élément de recomposition de l'acteur : « un adjuvant colossal au jeu d'acteur » (C. Viviani).

Projection : Ladri di biciclette (Italie, 1948).

  • Les deux personnages sont filmés en pied afin de profiter de toute l'expressivité de leurs corps (voir Chaplin).
  • Ils sont en surexpressivité :
    • contraste avec la neutralité des rôles secondaires et des figurants ;
    • rend prégnante l'indifférence des figurants au malheur des protagonistes.

Giuseppe De Santis

Giuseppe De Santis
Italie, 1917-1997
A été assistant de Luchino Visconti : Ossessione (1942), Giorni di gloria (1945).
Le plus politisé des quatre représentants du néoréalisme, mais le plus proche du cinéma populaire.
Héritage dramatique du cinéma étasunien et héritage stylistique du cinéma russe.
Repose sa direction d'acteur sur leur métier et leur registre.

Projection : Riso amaro (Italie, 1949) avec Vittorio Gassman.

  • Mélange des genres
  • Caractère brechtien (ruptures, rapports aux spectateurs)
  • Acteurs d'origines et de styles divers

Le néo-réalisme rose

Les codes du néo-réalisme récupérés dans la comédie.

Projection : Guardie e ladri de Mario Monicelli et Steno (Italie, 1951), avec Aldo Fabrizi et Totò.

Totò
Italie, 1898-1967
Acteur extrêmement populaire et bankable.
Considéré par la critique au milieu des années 60.
Une figure de la commedia dell' arte, assimilé en Italie à Polichinelle.
Art de la grimace (visage déformé et caractéristique).
Hauteur langagière qui révèle la profondeur du personnage.

Image et acteur

Les trois types d'image sont :

  1. l'image de situation (Où sommes-nous ?)
    • Introduction des personnages
    • Introduction des spectateurs dans l'environnement du film
  2. l'image informative
    • Échelle de plans plus neutres : inserts, plans moyens…
  3. l'image iconique : une image qui en invoque une autre (mythe, symbole…)[2]

L'image iconique

  • L'icône peut être un personnage, un décor.
  • L'icône est une « image sacramentelle » (C. Viviani). Elle appelle donc à la transgression.
  • Une aide considérable à l'acteur.
    • L'acteur est prédisposé à ça.
    • Il est au centre de ça.
  • Une perception sublimée par ce qui est représenté à l'image (passe surtout par le gros plan).
    • Jouer avec l'inconscient suscité par l'acteur et son personnage :
      • l'image en est née;
      • l'image s'y imprime à nouveau à chaque fois.
    • Importance de la photographie puis de la publicité dans la construction de l'icône.

Projection : Stagecoach de John Ford (USA, 1939) : la « création » de John Wayne en un seul plan.

Projection : Mother India de Mehboob Khan (Inde, 1957), avec Nargis.

  • L'Inde Mère: un concept développé par Gandhi, et qui représente l'unité territoriale et culturelle pour les Indiens.
  • La reconstitution d'une icône (et Nargis devient une icône) :
    • un processus lancé par l'image ;
    • une impression laissée au spectateur.

Musique et acteur

Dans le musical indien

  • Doublage systématique lors des chansons : donne l'impression que l'acteur chante.
  • Fractionnement par le montage : donne l'impression que l'acteur danse.

Remarque : la danse se développe sous l'influence du musical étasunien et du disco.

Projection : Mother India de Mehboob Khan (Inde, 1957), avec Nargis.

  • Œuvre extrêmement dramatique.
  • Influence du cinéma soviétique (EISENSTEIN)
  • Le cinéaste Raj KAPOOR trouve la doubleuse de Nargis pour les voix chantées : Lata Mangeshkar.
    • Le doublage voix est connu et accepté du public. Le cinéma indien est ainsi basé sur un pacte avec le public : « a willing suspension of disbelief » (Cole Ridge).
    • Le doublage voix est systématique sur les séquences chantées. Or, les séquences chantées sont des fantasmes, des non-dits. Donc, les voix doublées sont les voix intérieures.

Projection : Pakeezah de Kamkal Amzohi (Inde, 1971), avec Meena Suvari.

  • Suvari est malade durant le film et meurt avant la fin.
  • Elle est doublée au chant et à la danse :
    • situation acceptée par le public : une « mystique spectatorielle » (C. Viviani).
    • un personnage créé par les inserts sur le visage de l'actrice.

En Occident

Projection : Falbalas de Jacques Becker (France, 1944).

  • Le thème musical est toujours entendu comme musique de fosse (extra-diégétique), puis il devient musique de source (intra-diégétique).
  • L'acteur est porté par la musique (et la mise en scène en général). Influence de l'effet Koulechov.

Projection : The Fugitive Kind de Sydney Lumet (USA, 1961).

  • « L'aria actoriale » (C. Viviani) : une interprétation jouant sur la musicalité de la voix. Elle s'applique ici au monologue de Marlon Brando.
  • Une mise en scène au service de l'acteur, mais très présente.

Notes

  1. Le travail d'actrice de Barbara Stanwyck est proche de celui de Bette Davis et de Joan Crawford.
  2. Voir les migrations d'image.