Les épreuves du sujet enseignant

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Présentation

Les épreuves du sujet enseignant : approches didactiques, cliniques et sociologiques des pratiques professionnelles, journée d’étude du CERSE (Université de Caen), à la Maison de la Recherche en Sciences Humaines, le 4 février 2015.

Intervenants

  • Emmanuelle Brossais (EDiC, Toulouse) ;
  • Léandro De la Jonquière (CERSE, Caen) ;
  • Denis Loizon (EDiC, Dijon) ;
  • Florian Ouitre (CERSE, Caen) ;
  • Philippe Mazereau (CERSE, Caen) ;
  • André Terrisse (EDiC, Toulouse) ;
  • Jean-Marie Weber (EDiC, Luxembourg)

Résumé

L’étude et l’accompagnement des processus de professionnalisation peuvent se concevoir à partir de la notion d’« épreuves » que traversent les sujets et qui renvoient aux défis structurels qu’ils doivent affronter.

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Introduction

La notion d’épreuve peut être approchée de manières didactique, clinique et sociologique. En didactique clinique, l’épreuve émerge d’un intérêt épistémologique et éthique pour la singularité des sujets et des situations dans lesquelles ils évoluent.

L’épreuve est intrinsèque à l’enseignement : on met à l’épreuve son savoir et la transmission de ce savoir. L’épreuve est associée à l’engagement (si je ne suis pas engagé, l’échec de l’épreuve ne me coûterait rien). Or, le sujet enseignant peut poursuivre son activité malgré l’échec.

La journée d’étude s’est articulée autour du travail d’André Terrisse et de l’EDiC.

André Terrisse[1]
Professeur émérite des Universités à l’IUFM Midi-Pyrénées et chercheur à l’EDiC de l’Université Toulouse II - Le Mirail.
EDiC
Équipe de recherche en Didactique Clinique de l’E.P.S, présente dans plusieurs universités.

L’épreuve en didactique clinique : psychanalyse, sport de haut niveau et didactique de l’EPS.

André Terrisse

En sport, le sujet fonde et vérifie sa qualité avec pour objectif la performance ; soit :

  • la victoire dans la compétition ;
  • le dépassement de soi ;
  • la « jouissance » (Lacan).

Si la performance demeure indécidable (ce qui rend a priori l’épreuve absurde), il est possible d’atteindre la perfection dans l’intention (Jonny Wilkinson).

Face à l’épreuve didactique, le sujet enseignant peut :

  • insister ;
  • développer des stratégies d’évitement ;
  • renoncer.

La notion de « contrat didactique » (Guy Brousseau) repose sur l’intention et la dévolution.

L’épreuve didactique fait face à plusieurs obstacles :

  1. le savoir n’est pas entièrement transmissible (Celui qui sait ne comprend pas pourquoi l’autre ne comprend pas, Terrisse) ;
  2. le sujet destiné à recevoir ce savoir est un autre, différent ;
  3. la relation entre les sujets enseignant et apprenant repose sur un malentendu ;
  4. cette relation se heute au nuage RSI (Réel, Symbolique, Imaginaire) (voir Lacan).

Épreuves et problèmes : quelles synergies pour penser l’activité et la formation professionnelles des enseignants ?

Florian Ouitre

L’épreuve didactique implique :

  • des problèmes ;
  • des obstacles ;
  • une problématisation (c’est-à-dire la construction et la résolution de problèmes).

Si obstacles et problèmes demeurent ponctuels et extraordinaires, l’épreuve est habituelle et répétée. Elle est vécue individuellement, mais construite socialement — par un contexte économique, politique, institutionnel, interpersonnel (notamment la relation avec les parents), etc. qui pèse sur l’activité enseignante. L’épreuve didactique implique ainsi un cadre et une distance avec l’apprenant.

Florian Ouitre rappelle la dimension praxéologique[2] de l’enseignement, c’est-à-dire que ce dernier oblige à pratiquer la théorie et théoriser la pratique (Ouitre).

Le sujet enseignant à l’épreuve de son rôle d’enseignant.

Emmanuelle Brossais

Emmanuelle Brossais s’inscrit dans une théorie du sujet. Elle rappelle que le sujet est :

  • Divisé : tout être exerce et est pris dans le langage (le parlêtre) ;
  • Assujetti aux signifiants de l’autre ;
  • Singulier (l’enseignant a une histoire).

Contrairement aux épreuves, l’« épreuve » (Moment de vérité où le sujet vérifie sa qualité, Terrisse) n’a pas à être surmontée. Consubstancielle au contexte d’enseignement, elle doit être acceptée puis traversée. Elle témoigne aussi de la contingence des résultats de l’enseignement.

Dans ce contexte, l’enseignant tient par sa capacité à répondre :

  • à son désir de transmission ;
  • à la mission conférée par l’institution ;
  • à l’épreuve de la classe.

Brossais revient également sur certaines notions :

Conversion didactique 
transmission d’une expérience (vécue par le sujet enseignant) en contenu d’enseignement.
Pyramide didactique 
Au sommet : l’épreuve ;
À la base : l’enseignant, l’élève et le savoir.

Des professionnalités « entre deux » qui font épreuve ? Elément d’analyse socio-historique de fonctions spécifiques à l’épreuve des institutions et des organisations.

Philippe Mazereau

La gestion néolibérale de l’école a voulu rendre le sujet enseignant, sujet rationnel. En outre, le travail d’enseignant ou de psychologue par exemple, lorsqu’il est dans des contextes marginaux, est considéré comme moindre ou impur. Mazereau appelle à lutter contre ça en développant une pratique critique de son métier.

L’intervenant rappelle enfin que la souffrance au travail n’est pas une fatalité (Si l’on peut souffrir par le social, on peut gouverner par l’écoute, Didier Fassin).

L’entretien d’accès au déjà-là : un moyen pour accéder au sujet historique et singulier.

Denis Loizon

Déjà-là
Expérience pratique qui précède à l’épreuve didactique.
Loizon l’appelle aussi savoir expérientiel.

Ici, Loizon souligne que la transmission n’est pas un processus cadré — contrairement à l’enseignement, où le déjà-là précède plus précisemment à la conversion didactique. La transmission est très courante en EPS, où les savoirs finissent par être incorporés (au sens propre).

Les entretiens d’accès au déjà-là font parfois remonter des souvenirs d’enfance. La psychologie didactique doit donc aussi aborder le sujet enseignant.

Le formateur comme sujet divisé. Clinique de l’épreuve et castration symbolique.

Jean-Marie Weber

Le sujet enseignant est perçu comme « sachant » mais aussi comme « savoir » (idéalisation). Or, la force du rapport enseignant/apprenant (qui est normalement un rapport de transmission du savoir) peut générer un transfert (au sens lacanien). En outre, l’épreuve est liée au fantasme et donc aussi au transfert (Weber).

La psychanalyse et les enfants : questionnements professionnels.

Léandro De la Jonquière

L’intervenant traite :

  • de la position symbolique du maître (pouvoir, paternité) ;
  • de comment le futur sujet enseignant doit conquérir sa place de maître ;
  • de la volonté de castration du maître chez l’enfant apprenant.

De la Jonquière pose cette question : Comment devenir maître d’une maîtrise impossible ?

Références

  1. Liste de publications sur Cairn.info
  2. La praxéologie est la théorie de l’action humaine. En sociologie, la praxis est l’ensemble des activités matérielles et intellectuelles des hommes qui contribuent à la transformation de la réalité sociale.

Voir aussi

CARNUS Marie-France, TERRISSE André. Didactique clinique de l’éducation physique et sportive (EPS). De Boeck Supérieur (coll. « Perspectives en éducation et formation »), 2009