Rohmer, à la lettre

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Présentation

Rohmer, à la lettre, journée d’étude organisée par le LASLAR (Université de Caen), à la Maison de la Recherche en Sciences Humaines, le 15 octobre 2014.

Intervenants

  • Barthélémy Guillemet (ATER en études cinématographiques, Université de Caen) ;
  • Julie Wolkenstein (écrivain et MCF en lettres modernes, Université de Caen) ;
  • Violaine de Schuytter (agrégée de lettres, docteure en cinéma et critique) ;
  • Alain Bergala (critique, essayiste, cinéaste et commissaire d’exposition).

Résumé

L’un des intérêts scientifiques d’un travail sur Rohmer est de pouvoir croiser plusieurs disciplines ; cinéma, théâtre, lettres modernes et classiques, histoire.

L’autre intérêt concerne son actualité ; pédagogique d’abord (David Vasse est responsable cette année d’un séminaire en Master 1 Cinéma sur la production critique et théorique de Rohmer et sa transposition dans les films), éditoriale ensuite (une biographie est annoncée pour fin 2013 début 2014). Ce sont là deux occasions, ajoutées à l’opportunité d’exploiter enfin le fonds d’archives à l’IMEC, qui se présentent comme autant de motivations de recherche.

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Barthélémy Guillemet a d’abord rappelé que Rohmer a réalisé plusieurs films de commande, commandes qu’il a respectées précisément (comme par exemple Les Cabinets de physique au XVIIIe siècle et Nadja à Paris en 1964), mais pas sans ironie (Place de l’Étoile, pour le film collectif Paris vu par… en 1965). Quand les jeunes de la Nouvelle Vague font de leurs premiers essais cinématographiques des essais (d’auteur), le rapport simple et sain à la commande (Guillemet) qu’entretient Rohmer, commande finalement respectée « à la lettre » et couplée à un caractère documentaire et didactique affirmé, positionne le cinéaste derrière son sujet et lui permet de lui appliquer son ton, de se l’approprier.

La lettre est un élément central et récurrent de l’œuvre de Rohmer, permettant la transcription vers ses films des livres adaptés. Les lettrés sont également des personnages habituels de sa filmographie ; le cinéaste représentant de nombreuses catégories sociales qu’il a souvent connues (en particulier dans l’enseignement et les domaines intellectuels en général). Bien que ses gens de lettres soient généralement filmés en vacances (Wolkenstein), la littérature est un compagnon voire un moteur de ces films. L’autre forme artistique très influente chez Rohmer, c’est la peinture (La Marquise d’O… (1976), Perceval le Gallois (1978)). Il fait d’ailleurs preuve d’audace (De Schuytter) pour rendre visibles les descriptions littéraires des teintes.

Bien entendu, cet appétit pictural n’égale pas le goût des mots. Ainsi dans Le Genou de Claire (1970), le genou touché puis le récit par Jean-Claude Brialy de ce geste est la preuve, d’après le critique Pascal Bonitzer, que Rohmer trouve le cinéma insuffisant face à la littérature. Pour les critiques Noël Herpe et Antoine De Baecque[1], il s’agit simplement d’une référence aux Confessions de Rousseau. Quant à Julie Wolkenstein, elle songe aux Liaisons dangereuses de Choderlos de Laclos et à Lolita de Nabokov.

D’après Rohmer rapporté par Alain Bergala, ce caractère verbeux et explicatif est d’abord une influence du cinéma de Howard Hawks — clair et sans suspens. Ensuite, il s’agit d’une influence théâtrale : le danger alors, ce sont les « effets » cinéma. Enfin, par souci personnel de clarifier l’intrigue, Rohmer recourt parfois à des explications artificielles (exemple lors du collier retrouvé de Conte de printemps, 1990). Dans tous les cas, le cinéaste aime filmer les spéculations de ses personnages à propos d’une situation, même sans enjeu pour le spectateur. Il s’agit selon Bergala d’un goût de l’intrigue, représentatif d’un versant « Fritz Lang » parmi les influences de Rohmer.

Parfois, le dénouement ne vient pas des longues explications mais de Dieu lui-même (le deus ex machina). D’un versant « Roberto Rosselini », Rohmer est ainsi dédouané de toute justification. En outre, le dénouement peut correspondre au principe grec de kairos, grâce sans Dieu, intuition du personnage au cœur de la situation — et donc évidence pour le spectateur. Exemples de kairos rohmeriens : le col roulé de L’Amour l’après-midi (1972) ou la rencontre en voiture de La Collectionneuse (1967)[2], le plus beau dénouement dixit Bergala.

Références

  1. DE BAECQUE Antoine, HERPE Noël. Éric Rohmer : biographie. Paris : Stock, 2014
  2. Projeté la veille de cette journée au Café des Images (Hérouville-Saint-Clair) et présenté par Alain Bergala.